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Channel: LES GRIGRIS DE SOPHIE
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DES NOUVELLES DE RICHARD KURTZ

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Il y a quelques jours RICHARD KURTZ m'a envoyé le très long texte que Catherine Haley Epsteins a écrit sur lui et m'a annoncé qu'il serait  à OUTSIDER ART FAIR de NEW YORK du 18 au 21 janvier .
Voici aujourd'hui des nouvelles de cet artiste américain découvert à OAF en 2013 et dont je parle régulièrement sur les Grigris . 















(photographies Jennifer Esperanza)

Repository 212: Richard Kurtz | Wrestlers and Golden Books

Voici le texte de Catherine Haley Epsteins traduit (en partie) car il est très long par mon amie Isabelle Pulby  
Dépôt 212 : Richard Kurtz 

Lutteurs et livres d'or



Voici un essai que j'ai écrit le mois dernier après avoir interviewé Richard Kurtz et qui plonge profondément dans l'art insider/ousider/comment l'appeler, qui m'intéresse depuis quelque temps. Son œuvre sera exposée à la New York Ousider Art Fair ce mois-ci (du 18 au 21 janvier). Allez visiter s'il vous plait le stand 18, si vous vous y trouvez. En attendant, disséquons la notion d'art outsider.



« Il y a peut-être plus de sens dans notre non-sens et plus de non-sens dans notre sens que nous le croyons. » David Bohm.



Vivre une vie bien vécue en tant qu'âme sensible n'est pas pour les cœurs fragiles. On doit louvoyer et manœuvrer en se basant seulement sur notre cœur et nos tripes, notre esprit restant à la traîne. Duchamp conduisait avec sa tête en premier. Les outsiders conduisent avec tout autre chose en premier (leur toucher, leurs yeux, leurs tripes, leur odorat, leurs matériaux). Quand nous découvrons des artistes comme Richard Kurtz, nous ne devons pas fétichiser un trouble mental ou une angoisse, ou faire un parallèle avec les nombreux autres artistes qui furent obsédés par la boxe. Nous devons plutôt célébrer les aspects sensibles et spirituels de ce travail. Peu d'artistes ont osé fouler cet espace.



Le terme d'"art brut" ("raw art" en anglais) fut utilisé en premier il y a des années par Jean Dubuffet quand il commença une collection de ce travail en 1945. A cette époque, il s'intéressait aux travaux d'enfants, de patients d'hôpitaux psychiatriques ou de prisonniers. Il n'était pas le premier à explorer l'art non entravé par les normes culturelles ainsi que les plaines fertiles de la folie. Le Dr. Walter Morgenthaler publia son livre Ein Geisteskranker als Künstler (Un patient psychiatrique en tant qu'artiste) en 1921.



Dubuffet définit l'art brut comme "les travaux créés à partir de solitude et de pulsions créatives pures et authentiques, dans lesquels le souci de compétition, de reconnaissance et de promotion sociale n'entre pas en jeu". L'art outsider, comme il devint connu, a continué à se délecter du concept d'artiste en tant qu'il est exclu de la société, ce qui est d'ailleurs analogue à la notion romantique de la personnalité de l'artiste cultivée par Courbet il y a 160 ans.



 L'art outsider continue de recevoir de nouvelles terminologies (par ex., l'art visionnaire, autodidacte, l'Art Intuitif, la Nouvelle Invention, l'art naïf), tout au service de la recherche de connaissance, et du marché de l'art dans une certaine mesure. Pour bien comprendre le travail de Richard et de beaucoup de travaux d'art "outside", je propose que nous le considérions moins comme l'art "outside" (à l'extérieur) et plus résolument comme l'art "inside" (à l'intérieur). L'intérieur ("inside") complètement de mèche avec, et reflétant l'aspect chaotique et désordonné de l'esprit ou de la conscience qui réside en chacun de nous. L'art et l'esprit se mêlent dans les œuvres des artistes "outside", qu'ils soient autodidactes, handicapés ou vivant comme des reclus, etc. Le sujet de la spiritualité n'est pas une chose avec laquelle les artistes académiques se soucient de lutter, donc l'art outside est « l'endroit idéal »( « magic bucket ») où placer le travail. En réalité, l'art outsider est véritablement de l'art "inside" (intérieur).



Oserais-je dire que tous ces artistes, que ce soit Richard Kurtz, Judith Scott ou Morton Bartlett, sont profondément spirituels et surfent sur la vague de l'inconscient, ce qui terrifierait la plupart des gens. Je suis vraiment reconnaissante du fait qu'ils ne cliquent que rarement et doucement sur "modifier", ce qui fait que tous les matériaux sont visibles dans leur variété sans être "cuisinés" par les musées, les écoles d'art et les galeries. Un travail profondément spirituel signifie aussi profondément authentique. Par authentique, je veux dire qu'ils font un travail seulement pour assouvir l'instant et non pour faire un chef-d’œuvre. Sans ambiguïté, ces artistes survivent à travers et à cause de leur art.



 Une réaction à la convention polie était autrefois l'espace de l'artiste outside. La population générale réside maintenant dans une convention impolie et polluée, donc clairement l'artiste outside doit réagir à cela ; et à quoi cela ressemble-t-il ? Les contraintes sociales sont maintenant les démons contre lesquels les gens se battent, de façon anonyme ou tout à fait publique dans l'espace internet ; donc les artistes outside se battent-ils avec leurs démons intérieurs ou partagent-ils leur paix intérieure ? Dans le travail de Richard Kurtz, est-ce que cela pourrait être la paix d'accepter à la fois le côté mâle et femelle en chacun de nous ? Ou l'exploration de front de ce qu'est être un mâle hétérosexuel ? Ceci est, par toutes les conventions polies de nos jours, la place d'un outsider.





Contrairement à la sexualité exagérée et centrée sur le mâle des dessins de Josef Hofer par exemple, les personnages masculins de Richard sont habillés, avec des gants de boxe, et les femmes sont vêtues de lingerie. La décoration corporelle a une histoire dans l'art brut, dans le sens où Jean Dubuffet collectionnait les tatouages de prisonniers pour sa Collection de l'Art Brut à Lausanne. Je suppose qu'ils ne sont pas complètement nus dans le travail de Richard parce que cela fait partie de l'art de la séduction. Le pouvoir de cacher vos cartes est réel que ce soit dans la boxe ou la séduction.



Beaucoup de l'art brut est centré sur le corps, c'est une cage ou un abri d'intimité complexe. Dans le travail de Richard, il semble moins une cage et plus un espace où les énergies ont besoin d'être relâchées, transformées et partagées. Le corps dans son travail est prédominent et résolument mâle. Les personnages continuellement répétés de super-héros, de boxeurs et de séductrices sont le langage omniprésent des hommes hétérosexuels âgés de 4 à 100 ans. Ils sont les piliers d'une lutte universelle pour le pouvoir entre les sexes, vue par un homme. Alors que nous sommes une société plus évoluée parfois, ce que nous comprenons de notre sexualité se déroule sur une large palette, l’œuvre de Richard se place farouchement dans le coin de l'ultra-mâle. Et par ultra-mâle, je veux dire le mâle qui se situe avec tout son pouvoir apparent et cependant avec une quantité incroyable de vulnérabilité juste sous la surface.



Pour mieux faire comprendre les choses, on pourrait faire un parallèle avec une artiste féminine comme Sophie Calle. Son travail conceptuel est ultra-féminin, où elle écrit de façon obsessionnelle ses journaux intimes, partage ses histoires d'amour et crée des drames exquis dont seule une femme a le secret, et vide courageusement son cœur, ses fantasmes et ses sentiments. En tant que public, nous sommes récompensés par cette exposition absolue, et parfois cette obsession, comme nous le sommes avec le travail de Richard. Elle témoigne à travers un travail conceptuel alors que Richard le fait avec un geste pictural et d'un point de vue masculin. Est-il surprenant que Mme Calle collectionne son travail ?





L'oeuvre de Richard implique quelques sérieux fils. Alors qu'au cours des années il a soutenu sa pratique et son inconscient aux super-héros, aux boxeurs et aux séductrices, l'unique vrai fil est l'art de la répétition dans son travail, il me semble. Lors de notre conversation, il m'a révélé que ces personnages sont l'étirement qu'il fait dans son atelier, une pratique indispensable. Cet étirement est nécessaire, comme il l'est dans une salle de yoga ou de gym, pour permettre à d'autres personnages et compositions d'entrer. Comme si vous vous étiriez avant un entraînement qui pourrait vous permettre plus de kilométrage ou plus de coups agressifs ; tels sont les personnages qui sont ses fondements dans son atelier. Le fil principal est la répétition. La répétition est quelque chose de puissant, de révélateur, c'est une forme de méditation.

Il est connu que Freud a analysé la répétition comme une compulsion, un comportement répétitif obsessionnel qui est dissimulé en mise en scène d'un traumatisme refoulé. Ceci étant dit, la répétition est souvent utilisée comme technique de méditation spirituelle. Beaucoup de religions (par ex. le christianisme, le judaïsme, l'islam) ont utilisé la répétition de gestes ou de paroles pour amener l'esprit vers l'intérieur, hors de la vie quotidienne.



La répétition dans l’œuvre de Richard prend sens en tant que partie d'un tout, si vous voulez, car il a réellement d'autres travaux en dehors de ces personnages. Je pense aussi qu'il s'agit d'un choix personnel complexe, un choix fait pour menacer la prolifération du chaos. Une façon de rester les pieds sur terre et de ne pas flotter trop profondément dans le monde intérieur.



"Pour moi, l'image du boxeur est un guerrier, un héros. Nous devons tous combattre pour rester conscients et présents. C'est comme dans la vie, le premier qui cligne des yeux a perdu". 

Richard Kurtz, extrait de la documentation de l'exposition "Faces and figures" ("Visages et personnages") au Vassar College.



Depuis sa jeunesse dans l'East Village de New York jusqu'aux luchadores (lutteurs) au Mexique, Richard a toujours pris part à la boxe, comme exercice, comme spectateur et comme métaphore. Aucun autre sport que la boxe n'a eu autant de liens poétiques avec les artistes et les écrivains. TS Elliott prenait des cours de boxe à Harvard, Jack London fit des matchs de boxe professionnels et Ernest Hemingway débuta son livre "The sun also rises" ("Le soleil se lève aussi") par la description d'un boxeur et de son match imminent. L'artiste japonais néo-dada Ushio Shinohara est célèbre pour ses Boxing paintings (performances de peintures avec gants de boxe), Basquiat émaillait son oeuvre d'images de boxeurs et le réalisme brutal de George Bellows célébrait la boxe amateur et la vie urbaine à New York dans les années 20.



 
                                                
 (photographie Jennifer Esperanza) 




 

Emily @weirdauras helping her mama Jen in her booth 19 • Esperanza Projects @esperanzaprojects at The 2018 Outsider Art Fair NYC

 Je souhaite à Richard et à Jennifer, sa compagne, de belles rencontres lors de ce salon 2018!


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